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Le Conseil constitutionnel a été saisi pour statuer la constitutionnalité des articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail excluant l’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie non professionnelle et qui limitent à un an la période d’acquisition de ces congés en cas d’absence pour accident du travail ou maladie professionnelle.
Dans sa décision du 8 fév. 2024, il juge ces dispositions conformes à la Constitution, alors que ces mêmes dispositions demeurent contraires au droit européen. On vous explique.
Les articles L 3141-3 et L 3141-5, 5° du Code du travail portent-il atteinte au droit à la santé, au repos et aux loisirs, garanti par le 11e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?
L’argument avancé était que ces articles ont pour effet de priver, à défaut d’accomplissement d’un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d’origine non professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d’origine professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés au-delà d’une période d’un an.
Non. Le Conseil constitutionnel répond qu’il n’y a pas d’atteinte au droit au repos aux motifs :
Remarque. Le Conseil constitutionnel ne se prononce que sur le point juridique de l’assimilation de la période d’absence à du temps de travail effectif.
L’article L 3141-5, 5° du Code du travail porte-t-il atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 ?
L’argument avancé était qu’il introduit, du point de vue de l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l’objet de la loi.
Non. Le Conseil constitutionnel répond qu’il n’y a pas d’atteinte au principe d’égalité aux motifs :
Même s’ils sont jugés constitutionnelles, les articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail continueront d’être écartés par la Cour de Cassation, car non conformes à l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et à l’article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi qu’à la jurisprudence européenne ((CJUE 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c/ Bauer, C-569/16 et Willmeroth c/ Broßonn, C- 570/16, point 80 ; CJUE Schultz-Hoff, 20 janvier 2009, C-350/06, point 41 ; CJUE 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, point 20).
Pour mémoire, dans ses arrêts du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a retenu :
Dans ces conditions, même si les dispositions précitées du Code du travail sont conformes à la Constitution, l’employeur doit les congés payés au salarié durant son arrêt maladie.
Le Conseil constitutionnel juge les dispositions précitées du Code du travail conformes à la Constitution, alors que ces mêmes dispositions demeurent contraires au droit européen.
Le législateur doit donc clarifier la situation.
Lors de son audition du 31 janvier 2024 devant le Conseil constitutionnel, le représentant du Premier ministre avait indiqué que pour mettre en conformité le droit français par rapport au droit européen, le gouvernement envisageait de s’inspirer du régime applicable dans le secteur public, soit le maintien de 4 semaines de congés payés seulement en période de suspension du contrat de travail.
Le législateur devra également se prononcer sur le délai de report des congés acquis (par exemple une période de report limitée à 15 mois à partir de la fin de la période de prise des congés) ainsi que sur le délai de prescription applicable.
En tout état de cause, si une loi devait être adoptée, elle n’aurait d’effet que pour l’avenir, contrairement aux décisions jurisprudentielles de la Cour de cassation.
Affaire à suivre !
Source : Cons. constit., déc. n° 2023-1079, QPC, 8 févr. 2024